- What happens in elevators should stay in elevators.
Sears Tower, 19h22, l'heure du rush des sorties de bureau. Sarah ajusta son écharpe blanc crème, et ôta les quelques peluches qui étaient accrochées à son trench en tweed. Une véritable malédiction, cette écharpe. Plantée au milieu d'un petit groupe de personnes en costume/cravate qui avaient tous les yeux rivés sur l'écran indiquant à quel étage se situait l'ascenseur, elle avait l'impression d'être entourée de robots programmés à la seconde. Certes, de l'extérieur, rien le la distinguait de ce flux de moutons humains.
Les portes s'ouvrirent enfin. Le groupe s'engouffra alors tête baissée dans l'habitacle aux dimensions démentielles, qui était pourtant déjà bondé par une compagnie d'hommes uniformément vêtus mêlés à leurs congénères du sexe féminin en tailleur et chaussures de créateurs. La jeune femme s'engagea à son tour, puis préféra se rétracter. Elle n'aimait pas se retrouver à proximité d'autant de personnes dont le quotidien consiste à refouler humiliations et frustrations du matin au soir. Elle se retrouva donc presque seule sur le palier alors que les portes se refermaient devant elle.
Tout était calme et vide, comme le quai d'une gare où personne ne veut descendre après le passage d'un métro à l'heure de pointe. La jeune femme se dirigea alors vers un deuxième ascenseur qui était encore dix étages au dessus. Lorsque celui ci arriva enfin, elle pénétra à l'intérieur et remarqua avec un certain étonnement qu'il était presque vide. Elle appuya sur le bouton "Rez-de-chaussée" puis souffla. Elle n'aimait pas vraiment les ascenseurs et prenait les escaliers autant qu'elle le pouvait. En effet, il y avait statistiquement une chance non négligeable pour qu'elle tombe sur un claustrophobe ce qui, ajouté à sa propre phobie de l'enfermement, ne pouvait que la mettre dans une situation désagréable. Cependant, elle n'avait guère le temps de se taper plus de 90 étages à pieds.
Sarah se plaça dos à la glace, et jeta quelques regards furtifs autour d'elle. Ils étaient quatre dans la cabine, dont une quinquagénaire trop parfumée et affublée d'un immonde haut en velours léopard comme on en fait plus depuis bien dix ans qui la regardait d'un air suspect. La jeune femme lui lança un sourire crispé, et la vieille détourna le regard en grognant. La descente s'annonçait fort sympathique.